Bon, sans déconner, j'y crois plus trop.
Je sais, c'est pas bien, y'a que les battants qui y arrivent, et à J-2 il y a encore des gens à convaincre... Mais franchement... Même ma devise favorite* ne m'est plus d'aucun secours. Pourquoi ce marasme soudain ? Tout d'abord parce que mes collègues m'ont plombé, hier, en débriefant le débat de la veille : "Il nous faut Sarko, il va mettre fin aux abus, empêcher les gens de vivre sur le dos de l'Etat, y'en a marre des assistés, des gens qui gagnent plus au chômage qu'en allant travailler, et puis Ségo elle est floue, où est-ce-qu'elle va prendre les sous d'abord, elle a toujours pas compris qu'il fallait faire des économies, nan, franchement elle est nulle..." Voilà, ça a commencé comme ça et après une demi-heure de dénégations véhémentes, j'ai laissé tomber. Mais ça m'a collé un goût amer pour toute la journée...
Et puis dans l'après-midi, je suis passée à la section socialo à côté de chez moi pour savoir où seraient rassemblés les gens de gauche dimanche soir à l'annonce des résultats, "histoire d'être un peu consolée", j'ai expliqué. Et là, trop drôle si ce n'était à pleurer, les cinq rigolos qui traînaient là m'ont lancé des regards de curé à un vampire en me morigénant : "Rhôôô, mais faut pas dire des choses comme ça, elle va gagner, vous l'avez vue hier soir ?" Ben oui, bien sûr que je l'ai vue, oui oui, elle était super, ok, mais j'ai aussi lu et entendu toute la journée les commentaires des journalistes, des bloggers, de l'épicier en bas de la rue... Je crois que c'est trop tard, les gens veulent du Sarko et ils vont en avoir. Ségo va prendre sa fessée dimanche, et nous des claques dans la gueule pendant 5 ans.
Quelqu'un m'a dit hier que moi, de toute façon, je n'avais pas à m'en faire. C'est vrai, je suis Française avec un nom qui sent (fort) le terroir, blanche, diplômée, pas franchement pauvre (enfin moi si, mais Papa-Maman non) et en pleine forme, en plus j'ai 32 dents. N'empêche. Déjà, je ne vote pas (que) pour ma gueule et la France de Sarko, c'est dans l'absolu que je n'en veux pas. Elle me plaît pas trop la France de ces dernières années, celle de la droite au pouvoir (mais c'est peut-être aussi parce que j'ai découvert le joyeux monde du travail avec son défilé de patrons sans scrupules - j'en ai eu de beaux !, ses CDD ultra-précaires quand ce n'est pas un CDI à mi-temps le week-end, ses périodes de chômage à bouffer des pâtes, et ses périodes d'emploi à bouffer des pâtes aussi pour pouvoir s'offrir quelques tapas en Espagne le week-end ;-)
Ensuite, quand même, si j'y regarde de plus près, même moi, avec toutes mes précieuses "qualités" citées ci-dessus, je risque d'être dans la merde avec Sarkozy, en tant que femme, en tant que journaliste, en tant que future mère qui voudrait élever des gosses tout en continuant à travailler.
Et y'a mon amoureux aussi, brésilien, titulaire d'un titre de séjour pour "vie privée et familiale" sur le territoire français renouvelable une fois par an jusqu'à obtention de la nationalité. Comment ça va se passer pour lui en préfecture sous le règne de Sarkozy ?
Seule consolation (je suis allée la chercher loin celle-là, accrochez-vous), avec Sarko au pouvoir, on risque de ne pas s'ennuyer dans l'opposition, et puis il y aura plein de manifs et autres cramages de voitures à commenter sur les ondes. Youpi.
Bof, voilà, m'en voulez pas d'étaler ici mon scepticisme, je me trompe peut-être, après tout, c'est tellement imprévisible une élection...
En tout cas dimanche, je serai aux premières loges puisque les socialos hier ont profité de mon passage pour me foutre dans un bureau de vote. J'ai dit oui pour l'après-midi, parce que faut pas déconner quand même, la France qui se lève (méga) tôt la semaine, elle ronfle jusqu'à midi le dimanche. Je vais donc voir défiler tous ces électeurs, tenter d'analyser leur signature, utiliser mon regard bio-laser pour voir ce qu'ils auront mis dans l'enveloppe et attendre les résultats de 20h le coeur battant la chamade, sans doute la boule au ventre. Parce que mine de rien, j'y crois quand même encore un tout p'tit peu, là tout au fond.